Elle a fait un bébé toute seule... enfin pas pour de vrai...
Elle tourne en rond, les poings serrés, un peu paniquée et complètement furieuse. Ce pauvre type a oublié de se protéger. Et elle, naïve comme pas deux, n’y a pas pensé non plus. Alors elle fait les cent pas, dans la chambre de Fred, son petit ami actuel, sans avoir dit à sa mère pourquoi elle est là. Sa propre mère n’est pas au courant, elle ne va pas prévenir celle de son copain quand même. De toute façon, elle se sait même pas ce qu’elle va pouvoir lui dire. C’est pour ça qu’elle parcourt la chambre de part en part, pour se donner le temps de trouver une bonne façon de lui dire qu’elle attend un bébé. Que oui, c’est lui le père, et qu’il va devoir trouver une solution. Une porte s’ouvre finalement dans son dos et elle sursaute, avant de se tourner vers lui, un brin mal l’aise. Elle ne sourit pas, elle ne sait même pas comment se comporter face à lui. On dirait qu’il est content de la voir et il s’approche même pour l’embrasser, mais elle se recule, jusqu’à s’adosser à la fenêtre, un air provocateur sur le visage. Bien sûr, il la connaît bien et fronce les sourcils, en attente de la suite.
Salut Fred… En vérité, elle ne sait toujours pas comment le lui dire. Après tout, elle n’est pas très douée avec les mots et moins encore pour parler des choses compliquées. Cette situation est compliquée… Alors elle n’arrive pas à trouver ses mots et commence à transpirer légèrement. Comme à chaque fois qu’elle est nerveuse… Alors elle attrape son sac, fouille dedans quelques secondes, et lance finalement un bâtonnet blanc à son amant, qui le regarde fixement. Une seconde. Deux secondes. Un ange semble passer, jusqu’à ce qu’il bouge finalement et relève les yeux vers elle.
Tu es… tu attends un bébé ? Non, un gnome des pins ! Désolée, je t’ai trompé avec un troll. Elle rit, nerveusement, pas fière de sa réplique, mais elle n’a pas pu s’en empêcher. Oui, elle est nerveuse. Oui, elle a des références très geek. Non, elle ne sait pas comment se comporter face à lui. Parce qu’il sourit. Comme si noël est tombé en avance cette année. Elle, elle a plutôt envie de vomir, alors elle ne comprend pas bien pourquoi il sourit.
C’est super… Enfin pas pour le troll, mais pour le gnome. T’imagine, on va être parents toi et moi. C’est trop cool ! Là, elle écarquille les yeux très largement. Comment peut il trouver ça cool ? Elle s’approche doucement, comme pour l’observer de plus près et ne comprend toujours pas pourquoi il est heureux.
T’es au courant qu’on parle pas d’une poupée là. Ca va chialer. Ca va se plaindre. Ca va chier. Ca va nous faire chier pendant toute sa vie. On a que 17 ans. J’sais pas, j’me sens pas franchement l’âme d’une maman. Elle est à deux doigts des larmes, mais rien ne coule de ses yeux. Parce qu’elle est trop fière pour ça et que ça n’est pas son genre.
Après tout, elle n’a pas pleuré depuis qu’elle s’est cassé la jambe en première année de collège. Pas pour une peine de cœur, ni même quand son père s’est barré avec une pouffiasse. Encore moins quand elle a découvert que Fred se tapait une autre nana. Et pas plus lorsqu’elle l’a confronté et qu’il a décidé d’arrêter ça, pour se consacrer uniquement à elle. Elle ne pleurerait donc pas pour ce marmot chialant en route.
On a le temps de finir le lycée tous les deux. On est en dernière année alors c’est bon. Et puis t’as de l’argent non ? Avec la pension que ton père te donne ? On pourra s’installer tous les deux, le temps que je trouve un job et tout ça. S’il te plaît. Je sais qu’on peut être heureux ensemble. Toi, moi, et ce gnome en route. Je t’aime, alors on peut réussir non ? Il y croit dur comme fer, elle peut le voir. Alors elle a envie d’y croire elle aussi. Tout simplement parce qu’elle aime bien le voir sourire. Qu’elle aime bien être avec lui. Et si pour le garder, elle doit aussi garder un marmot, alors elle allait le faire. Doucement elle hoche la tête et il la prend dans ses bras doucement, alors qu’elle murmure.
Je t’aime aussi… Elle y croit à ce moment, même si c’est la première fois qu’elle le lui dit. Elle croit tout autant qu’ils peuvent être heureux. Elle croit chacun des mots qu’il prononce… Et c’est probablement là qu’elle a commis la pire erreur de sa vie.
Elle est devant le cercueil ouvert de son fils et n’arrive pas à respirer. Du moins pas normalement. La douleur lui étreint le cœur et elle veut mourir pour ne plus sentir cette infâme sensation. Il semble si paisible, là, dans la mort et elle n’arrive pas à croire qu’elle ne l’entendra plus rire, plus parler et qu’elle ne le verra plus sourire. Il était tellement adorable lorsqu’il souriait. Son gentil fils parfait n’était plus et elle savait pertinemment qui accuser pour ça. Un homme, un seul, qui n’aurait jamais du se faire appeler papa un jour. Elle sent d’ailleurs sa présence derrière elle et se retourne d’un coup sec. Elle lui donne un coup de poing. Elle lui donne une claque… Et il l’attrape par les poignets juste après. Elle oublie souvent qu’il sait se battre lui aussi. Alors la blonde essayer de ruer pour qu’il la lâche, mais il ne le fait pas, se contenter de planter son regard azuré dans le sien. Bon sang qu’elle le déteste à cet instant. Elle voudrait le tuer, mais ne peut de toute façon pas s’y résoudre.
Calme toi ! Tout le monde te regarde. Viens ! Sans douceur, il la tire derrière lui, jusqu’à une pièce adjacente. Elle ne l’a pas empêché, parce qu’elle a besoin de se confronter à lui, seule à seul.
C’est toi qui l’a tué ! C’est toi qui l’a tué espèce de connard ambitieux. Tu pouvais pas le laisser vivre sa vie hein ? Tu n’as pas le droit de me juger Kel’. Tu n’étais jamais là. Je l’ai élevé tout seul le gamin. Alors si tu veux te passer les nerfs, fais le ailleurs, sur quelqu’un d’autre. Les yeux de la femme lance des éclairs et s’ils étaient capables de tuer, son mari serait déjà mort.
Je n’arrive pas à croire que je me sois laissé embobiné y’a 20 ans. On aurait jamais du garder ce gamin. Regarde où ça nous a mené. On est mariés, mais tu ne m’aimes pas. Pas plus que je ne t’aime et tu… Elle remarque enfin le regard blessé qu’il arbore soudain et s’interrompt.
Quoi ? Me regarde pas comme ça. Essaye pas de me faire croire que tu m’aimes putain. Je sais très bien que tu te tapes tout ce qui porte une jupe ! Il la lâche soudain et se recule de plusieurs pas, jusqu’à s’adosser à la porte.
T’as jamais rien compris chérie. On est marié depuis 19 ans… Est-ce que tu sais combien de temps tu as passé à la maison durant ces 19 années ? Elle a les bras croisé et attends la suite avec impatience et agacement. Parce qu’elle déteste lorsqu’il a raison et elle sent que ce qu’il va dire ne va pas lui plaire, pas du tout…
En mettant tout bout à bout, tu as passé 2 ans, 7 mois et 24 jours avec moi. Un tout petit peu moins avec Anton. Tu crois vraiment être en position pour me reprocher quoi que ce soit ? Je t’ai trompé, oui… Et toi pas peut être ? J’ai essayé de faire en sorte que Anton fasse de meilleures études que nous. J’ai essayé de faire au mieux pour lui. Tout seul. Je n’aurais jamais imaginé qu’il pourrait se suicider. Sa voix se brise sur la fin, mais elle est trop furieuse après lui pour compatir. Et elle est incapable de lui répondre. Parce qu’elle n’arrive pas à trouver les mots. Ils ne s’alignent pas dans sa tête. La seule chose qu’elle envisage maintenant, c’est de lui sauter dessus. Non, elle ne l’aime pas. Elle ne sait pas si elle l’a jamais aimé un jour. Mais elle sait qu’ils sont toujours compatibles sexuellement et elle ne compte pas s’en priver. Elle ne dit donc rien, et se jette sur lui. Un baiser plus tard, elle défait sa chemise et lève sa robe. Juste un coup comme ça, rapidement, mais elle se fait soudain durement repousser.
T’es qu’une putain de tordue sérieux. Va te faire foutre. Fais donc ce que tu fais le mieux. Barre toi ! Et laisse moi tranquille merde ! Il quitte la pièce, sans même remettre sa chemise, preuve s’il en est qu’il est vraiment perturbé par tout ça. Mais probablement pas autant que Kelly, qui s’est laissée tomber au sol, avant de se recroqueviller. Et là, pour la première fois depuis son adolescence, elle éclate en sanglots. Elle pleure et pleure, comme jamais auparavant. Parce qu’elle sait que sa vie est foutue…
Le nouveau président Jenga a été assassiné cette nuit… La voix à la télé continue de parler, mais la blonde a arrêté de l’écouter. Parce que cette photo, ce visage… Ses mains tremblent soudain, et un haut-le-cœur la prend soudain… Elle court aux toilettes pour ne pas se répandre n’importe où. Elle attrapa son téléphone, sans rien dire, composa son numéro, avant de raccrocher aussitôt. Non, elle ne peut pas lui hurler dessus par téléphone, elle va devoir attendre d’être de retour aux Etats Unis…
Elle arrive finalement quelques jours plus tard et se rue vers son bureau aussitôt.
Je n’arrive pas à croire que tu m’ais fait ça. Pas toi ! Pas à moi ! elle ne s’est pas embarrassée d’un bonjour, malgré l’envie qui lui mord les lèvres de l’embrasser. Parce qu’il est canon malgré tout. Parce qu’elle a beau lui en vouloir, elle a tout de même envie de lui. Sauf qu’elle ne lui saute pas dessus. Autant parce qu’elle est en colère, que parce qu’elle ne lui donnera pas cette satisfaction. Souvent, on dit d’elle, qu’elle n’est pas capable de pardonner et c’est malheureusement l’un de ses plus grands défauts. Alors elle se plante face à lui, attends ses explications, mais n’a finalement pas la patience d’attendre bien longtemps. Alors elle se jette sur lui, le frappe, sans s’arrêter, jusqu’à s’être enfin calmée… Parce qu’elle n’arrive pas à exprimer sa frustration autrement. Pourtant, même si elle n’arrive pas à parler d’habitude, les mots s’échappent doucement d’entre ses lèvres.
Tu m’as menti… Et pour quelle raison hein ? Pour garder ton putain de job ? Il est plus important que moi hein ! Rien n’a jamais été plus important que toi à mes yeux. Pas mon mari, pas ce putain de boulot. Rien du tout ! Rien, que dalle, nada ! Connard ! Et elle repart finalement, sans même lui laisser l’occasion de répondre. Parce qu’elle ne veut pas qu’il lui répondre. Cela rouvrirait une bien trop grande douleur. Un sentiment de colère et de trahison qui ne semble pas vraiment vouloir partir. On peut dire d’elle qu’elle a le cœur froid, mais c’est la troisième fois en très peu de temps, qu’elle le sent éclater et saigner sans s’arrêter. Les trois hommes de sa vie lui ont successivement brisé le cœur… Anton… Fred… Soren… Une douloureuse litanie qui résonne dans sa tête, si bien qu’elle s’échappe, pour aller boire un verre. Ou plusieurs. Tout plutôt que de ressentir encore…
Kelly... Je sais que rien de ce que je vais dire ne pourra me faire pardonner. Je suis désolé, je n'aurai pas du te mentir. J'ai obéis aux ordres plutôt que d'écouter mon cœur. Sache que je regrette. Tu ne me verras plus. Je m'en vais, j'ai demandé ma mutation. T'imagines pas à quel point je tiens à toi, mais c'est trop dur pour moi de te voir tous les jours et de sentir la haine que tu me portes. Je sors de ta vie pour toujours... C’est quelques temps plus tard que résonnent ces mots dans son téléphone. Ses excuses arrivent un peu tard, mais elle se rend compte qu’elle ne l’a jamais laissé le faire plus tôt. Alors elle compose son numéro presque aussitôt, pour entendre un douloureux bip, et cette voix, impersonnelle…
Le numéro que vous avez composé n’est plus attribué ! Espèce de con ! Connard ! Saloperie de putain de connard ! Son langage se fleurit de plus en plus au cours des secondes qui passent et elle balance soudain le téléphone sur le mut le plus proche. Il s’éclate en mille morceaux bien sûr, mais elle s’en moque. Il s’est barré, sans lui permettre de le retenir et elle n’arrive pas à y croire…
Tu m’as abandonné espèce de connard ! Elle a été voir un avocat… Parce qu’elle n’en peut plus de cette situation. Ils sont là, tous les deux, comme deux chiens, à vouloir un os. Dans leur cas, l’os consiste à balancer la culpabilité sur l’autre. Kelly ne se sent pas particulièrement coupable, parce qu’elle pense sincèrement au fond d’elle que c’est de la faute à Fred si tout ça est arrivé. Déjà, au tout début, c’est lui qui a insisté pour qu’ils gardent le bébé après tout. C’est lui encore, qui l’a forcé à se marier. Et c’est encore lui qui l’a trompé en premier. Et c’est lui qui a poussé Anton trop loin dans ses retranchements. Voilà, tout est de sa faute à lui, et elle n’en peut plus de dormir seule, à se demander s’il va rentrer. Ce qu’il ne fait plus vraiment. Après tout, elle a beau être furieuse après lui, elle sait pertinemment qu’elle voudrait se serrer contre lui pour s’endormir. Parce qu’elle n’arrive plus à s’endormir normalement depuis la mort d’Anton. Pendant un temps, elle s’était soignée, avec Soren, mais maintenant, c’est encore pire. Parce que Soren n’est plus dans sa vie. Alors elle doit se contenter de ce qu’elle a. Et ce qu’elle a, c’est Fred. Mais il n’est pas là, il n’est jamais là. Et c’est en ayant mal, qu’elle se rend finalement compte qu’elle y tient, à ce connard. Il ne veut plus d’elle dans sa vie, elle l’a bien compris, alors elle a anticipé, elle est allée voir un avocat et fait des papiers afin de divorcer.
C’est pour ça qu’elle est là, face à la porte de son bureau. Son tout nouveau bureau. Il n’est plus flic maintenant, mais elle s’en moque. Elle n’a pas l’intention de s’inquiéter de sa vie ou de quoi que ce soit. Alors elle entre, sans frapper, et referme la porte avec le loquet juste après.
Salut Fred. Elle tremble légèrement, juste parce que tous les mots qu’elle a préparé dans le métro sont en train s’échapper doucement de son cerveau. Et elle sait que ça n’est pas bon et que ça finira mal. Comme la dernière fois… Elle se mord la lèvre, ne sait pas comment commencer, alors elle sort les papiers, qu’elle lance sur le bureau.
On a plus aucune raison de rester ensemble toi et moi ! La seule chose qui nous liait, c’était Anton. Là, ça fait 5 ans qu’il est mort et on fait chambre à part. Tu rentres même plus à la maison quand je suis là. Alors dis moi, à quoi ça sert qu’on reste ensemble sur le papier alors qu’on est plus ensemble en vrai ? Et mine de rien, ça la tue de dire ça. Pendant ces années, elle s’est rendue compte que malgré tout, Fred est un point d’ancrage dans sa vie. Le quitter maintenant, ça la tue. Tant qu’il y avait Soren, elle pouvait bien le quitter, sans aucun remords, mais là, les choses sont différentes et elle n’arrive pas à le regarder en face.
T’as décidé ça toute seule. Tu n’es plus la fille que j’ai épousé et je ne suis pas du tout le garçon que tu as épousé. J’ai arrêté de te pardonner tout et n’importe quoi. Voilà pourquoi je rentre pas quand t’es là. Je ne veux plus te voir ! Plus jamais ! Elle ne le regarde pas, parce que ses mots malgré tout, la transperce. Elle se rend compte que la mort d’Anton, puis son histoire avec Soren, l’ont affaibli, terriblement affaibli et que cette séparation, ses mots, lui font un mal de chien.
Arrête ! J’ai toujours été comme ça. J’ai jamais voulu de ce gosse. Je l’aimais, oui, mais j’en voulais pas. Tu me l’as imposé ! Elle ne se reconnaît pas dans ses propos, mais au fond, elle sait qu’elle est en train de dire tout ce qui lui traîne sur le cœur depuis une éternité.
Signe ces foutus papiers, que j’me barre de là. Je suis pas là pour me battre avec toi. Elle n’ose toujours pas le regarder, et heureusement. Si elle avait vu ses yeux, probablement que les choses seraient actuellement différentes. Heureusement, il signe vite et elle s’approche, pour prendre les papiers. Sa main effleure la sienne et elle ne peut soudainement pas s’en empêcher. Ses yeux remontent, jusqu’à accrocher les siens. Là, tout dérape. Ses doigts laissent échapper la liasse de papiers, pour venir se perdre dans ses cheveux. Elle l’embrasse, à perdre haleine et se souvient soudain à quel point ils s’entendaient sur le plan sexuel. Alors elle le pousse, sans douceur, jusqu’à ce qu’il rencontre un mur et glisse même sa main dans son pantalon. Tout ce qu’elle veut, c’est l’avoir contre lui, une dernière fois au moins. Cette fois, il ne la repousse pas. Du moins, pas avant d’avoir terminé…
Tu devrais partir Kel’. Je risquerais d’être désagréable si tu devais traîner dans le coin plus longtemps. Bien sûr qu’elle ne s’est pas attendu à des mots d’amour, mais elle reste tout de même choqué par sa manière de parler, tout comme sa manière de la dégager. Elle n’a même pas le temps de se rhabiller correctement qu’elle se retrouve dehors, ses papiers de nouveau dans sa main, ses cheveux en bataille et sa jupe retombant bizarrement. Elle n’a plus sa culotte, mais au fond, elle s’en moque… Ce qui vient d’arriver la fait trembler et elle s’enfuit en courant, avant de s’écrouler en public…