Un gamin comme un autre, un innocent de la masse. Connor était le cliché de base de tous les films américains: plus gros que la moyenne, empoté, geek, avec des lunettes, incapable d'enchaîner deux mots devant une fille, accro à son ordinateur et sa console de jeux, incapable de faire ses lacets tout seul... Un cliché. Et comme tous les clichés, il avait deux frères plus beaux que lui, plus intelligents, parfaits en somme. Leeroy avait deux ans de plus que lui, symbole de la réussite, premier de la classe, toutes les filles le voulaient et il était le plus sportif de l'école... Quant à Iain, deux ans de moins, il avait de la jugeote, il était le rigolo de la classe et il avait un succès fou auprès de ses professeurs malgré ses lacunes dans leur matière, le comble. Leurs parents, Kathryn & Joel chérissaient leurs enfants... Oui, sauf Connor. Les plus beaux compliments auxquels le petit avait eu le droit restait un fameux "Un jour, tu seras beau, Conny, quand t'arriveras à avoir les yeux en face des trous et que courir un cent mètres arrêtera de te faire ressembler à Babe le cochon du dessin animé." Franchement pas terrible mais c'était tout ce qu'il avait. Cela et les coalitions de ses deux frères contre lui. En l'espace de trois jours: Leeroy lui avait fait avalé de la merde de chien, l'avait pendu par la culotte au fil à linge alors que Iain l'avait enfermé dans les toilettes toute la nuit pour lui saccager sa chambre, détruire sa Playstation et son ordinateur. Il n'avait plus rien. Ah si, une chose... Un ami. Riley. Il s'était rencontré à l'école, encore une fois, Connor avait cassé la mine de son crayon et Ainsworth lui avait passé le sien avec un sourire et ils étaient devenus amis. Ils avaient l'air d'un duo étrange mais au moins le garçon avait quelqu'un qui le soutenait et Riley faisait peur aux autres, étant un peu plus grand que la moyenne. Peut être que cela allait changer les choses... Peut être...

Mais au lycée, rien ne changea vraiment. Juste son poids. Connor était fatigué d'entendre les autres l'appeler gros porc ou Mobydick alors il fit une chose terrible: il se mit à courir, jusqu'à en tomber dans les pommes, prendre soin de lui et arrêter de manger toutes ses cochonneries favorites. Et en quelques semaines, il n'y avait plus de traces de Babe, il avait gagné son premier combat. Et parce qu'un remplaçant de l'équipe de football américain avait déménagé, il eut même une place... Un miracle. Mais personne ne connaissait son nom, c'était toujours "Mobydick", après tous ses efforts, il avait raté le coche encore une fois. Il fallait dire que malgré son changement d'apparence, il était toujours le premier à créer des catastrophes naturelles d'envergure, il avait fait exploser le labo de chimie, il avait tué sa souris en sciences et il détruisait plus ou moins tout ce qui passait sous ses mains, loin d'être sûr de lui. A cause de tout cela, il était en retard sur ses cours et la seule solution qu'il avait trouvé pour survivre s'appelait Sadie. Elle passait les examens à la place de ceux qui le désiraient contre une belle somme d'argent. Il avait remonté ses lunettes au bout de son nez et était allé la voir durant une pause pour lui proposer un contrat... Et même cela fut complètement raté. La jeune femme se fit choper et ils se retrouvèrent dans le bureau du principal, virés du lycée à jamais. Et tous les rêves de devenir chimiste de Connor furent réduits en bouillie puisqu'il ne fut accepté nulle part ailleurs... Adieu l'université. Sa réputation. Et l'entente familiale. Sa mère l'insulta de tous les noms possibles, son père ne lui adressa plus la parole à partir de ce moment là et tout ce qu'il put faire était de trouver un travail. Quelle joie lorsqu'une association de protection de la forêt voisine accepta ses services. Pour avoir un contrat et avoir une belle promotion, il devait prouver son efficacité à attirer les foules, monter un stand pas loin de Boston et récolter deux mille dollars... Mais encore une fois, mauvaise surprise. Sadie. A la fin de sa journée, Connor n'avait pas un rond en poche... La cause de Sadie, qui elle, s'était installée à deux mètres d'ici avait toutes les recettes. Lindley s'était fait jeter de son association le soir même. Au chômage. Encore. Et la colère le poussa à prendre sur lui, avoir de nouveaux objectifs, être quelqu'un d'autre. Laisser Connor s'envoler au vent pour un être meilleur, plus beau, parfait... Sawyer.

"Tu vas où là Conny? T'avais le bois à ranger, la cheminée à allumer, le linge à repasser... Tu fais quoi là avec tes valises?" Sa connasse de mère. Si elle croyait qu'il allait rester là à l'écouter le traiter comme un chien gratuitement, elle pouvait aller se raser la tignasse ouais. "Sawyer, Kathryn. Je m'appelle Sawyer et ça se voit pas, je me tire. J'en peux plus de voir ta coupe de cheveux trop laide, la face du bûcheron de père et la condescendance des deux idiots qui me servent de frères selon le livret de famille. Vous vous rendez même pas compte de ce que vous êtes tous, des putains d'ingrats, une vraie famille de merde, j'espère que vous pourrirez dans vos concepts à la noix, bien loin de moi. Allez ciao!" Et il savait qu'il n'y avait pas de retour en arrière possible, en effet, le poing de son père dans sa face lui fit comprendre qu'il n'était plus le bienvenue mais il ne s'excusa pas. Clairement pas. Il s'éclipsa, une larme roulant sur sa joue, un adieu, un déchirement mais une nécessité. Il ne s'arrêta de marcher que lorsqu'il aperçut une pancarte "Emploi à pourvoir: vendeur de cheminée, frappez et vous saurez ce qu'il en est". Et Sawyer et sa valise s'arrêtèrent devant la porte du magasin... Il frappa. "Vas y vends moi, ce crayon à papier." Et il était embauché cinq minutes plus tard.